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Le résumé de ma lecture L’article leader placé sous l’interrogation « verra-t-on un jour le grand Paris ? » est centré sur le projet de métro rapide de Christian plan dont il discute la pertinence du tracé et les modalités de financement. Il indique les craintes de surcapacité sur certain s tronçons comme celui de la desserte du plateau de Saclay et la possibilité de choix alternatifs plus judicieux avec le recours au bus, tramway, tram train. Il oppose le schéma Blanc avec ses 40 gares espacées de 4 à 5 km à Arc express avec une desserte tous les 1,5 km. Le débat sur le financement est traité en évoquant l ’argument de JP Huchon du désengagement de l’Etat des autres projets, en parlant du recours à la taxation des plus value immobilières mais en indiquant son niveau en tout état de cause insuffisant, puis en rappelant les propositions du rapport Carrez.

Verra-t-on un jour le Grand Paris ? LE MONDE | 12.04.10 | 14h50 • Mis à jour le 12.04.10 | 15h24

Cerner la capitale d'un "super-métro" rapide et automatique d'ici à 2025 est un rêve que caresse Nicolas Sarkozy depuis qu'il prétend bâtir un "Grand Paris". "C'est sur le transport que va se jouer la partie la plus décisive", expliquait le président de la République, le 29 avril 2009, lors du lancement du projet. Il devrait le rappeler, le 3 mai, à l'occasion de l'installation de l'Atelier international du Grand Paris, au Palais de Tokyo (16e arrondissement), en présence des dix équipes d'architectes et d'urbanistes qui ont reçu pour commande de l'Elysée de concevoir la métropole de l'après-Kyoto.

Le projet est sur les rails. Secrétaire d'Etat à la région capitale, Christian Blanc a réussi à imposer le super-métro comme la seule traduction concrète, à ce jour, de la vision sarkozyenne. Lundi 12 avril, le Sénat devait adopter, après l'Assemblée nationale le 1er décembre, le projet de loi relatif au Grand Paris qui acte la réalisation d'un "réseau de transport public de voyageurs". Le texte crée la Société du Grand Paris (SGP), établissement public piloté par l'Etat, pour réaliser le métro, ouvrage qui sera confié à la RATP. Pas de prévisions de trafic. Le ballet des tunneliers est programmé pour 2013. Mais le bout du tunnel est encore loin. Chantier du siècle, estimé au bas mot à 21 milliards d'euros, il soulève beaucoup de questions non résolues sur son tracé et son financement. En forme de double boucle, il devrait relier les grands territoires stratégiques de l'Ile-de-France. Il est censé favoriser les déplacements des salariés et acheminer les investisseurs étrangers vers les territoires clés de la région. Selon le rapport de la commission spéciale du Sénat, chargée de préparer l'examen du projet de loi, Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), en lisière de Paris, serait à quinze minutes - par le super-métro - de la Défense, contre près de trois quarts d'heure aujourd'hui. La plupart des communes du Val-de-Marne seraient accessibles en moins de 45 minutes depuis Villejuif (Val-de-Marne). Mais, pour le moment, M. Blanc n'a guère produit de prévisions de trafic très précises. Elles sont cruciales pour juger de l'intérêt du trajet dans certains territoires. S'il dessert les villes de Seine-Saint-Denis comme Clichy-sous-Bois ou Montfermeil, le métro ne traverse pas toujours les zones les plus peuplées de l'agglomération. Le risque d'une surcapacité de l'infrastructure existe sur le tronçon qui passe sur le plateau de Saclay (Essonne), aujourd'hui très peu urbanisé. Les concepteurs du super-métro, dont la RATP, font pourtant du bouclage de la boucle un impératif. "Toutes les études montrent qu'un système de transport est 40 % plus efficace lorsqu'il est bouclé, a indiqué M. Blanc lors de la discussion du projet au Sénat. 40 % plus efficace, cela veut dire, de façon concrète, qu'il répond aux besoins de 40 % d'usagers en plus." D'autres modes de transport - bus, tramway, tram-train - pourraient se révéler tout aussi utiles sur le parcours prévu du super-métro. Des désaccords sur le tracé. Sa réalisation, pilotée par l'Etat, concurrence des projets déjà engagés. La région Ile-de-France, présidée par le socialiste Jean-Paul Huchon, étudie depuis 2006 un autre projet - baptisé Arc Express -, qui pour l'instant ne prévoit que deux tronçons. Or ceux-ci recoupent en partie le tracé envisagé par M. Blanc au sud et au nord de Paris. Arc Express, conçu pour caboter dans les territoires, aurait des stations tous les 1,5 km. Pour atteindre son objectif de rapidité, le super-métro Blanc aurait des intervalles plus longs entre chaque gare, donc des arrêts moins fréquents. Les élus du Val-de-Marne, qui se battent depuis longtemps auprès de la région et de l'Etat pour la réalisation du barreau sud d'Arc Express, craignent que le projet de super-métro ne desserve moins bien leurs communes. Ils redoutent que le projet prenne encore du retard du fait des rivalités Etat-région. Querelles entre les deux ex-rocardiens Blanc et Huchon. Ce conflit de pouvoir menace de bloquer le projet. A la tête du Syndicat des transports d'Ile-de-France, chargé, entre autres, de la création de nouvelles lignes, M. Huchon demande à copiloter avec l'Etat le projet de super-métro. "Je ne vois pas ce que va apporter la Société du Grand Paris, alors qu'il y a au Syndicat des transports d'Ile-de-France plus de 200 personnes, capables de réaliser un projet de rocade", tempête M. Huchon. Voir le projet Blanc se substituer à celui de la région sans avoir été associé en amont à son élaboration est un casus belli pour lui. D'autant qu'entre les deux ex-rocardiens Blanc et Huchon le courant ne passe plus. M. Blanc fait valoir que la méthode mise en œuvre par le projet de loi remédie à "la panne de décision" de la région et vise à "surmonter tous les conservatismes". Selon l'ex-patron de la RATP, le retour de l'Etat, qui a sous-investi dans les transports en Ile-de-France depuis les grands chantiers du RER E et de Meteor-ligne 14, inaugurés à la fin des années 1990, est bien la garantie que la rocade se fera. Débats sur le financement des travaux. La question financière est loin d'être réglée. "Il ne faudrait pas que le peu d'argent qu'il y a soit uniquement consacré à ce projet mirifique", prévient M. Huchon. Le président de la région s'inquiète de voir l'Etat limiter ses investissements au super-métro. Aux dépens de cofinancements dans certains projets que l'Etat s'était engagé à financer jusqu'ici avec la région, tels que la modernisation des RER ou les prolongements de lignes de métro. L'équation économique et industrielle est aléatoire. Pour financer la boucle, le gouvernement espère tirer des ressources du surcroît de croissance économique obtenu par l'amélioration des dessertes des territoires. En partenariat avec les élus, la Société du Grand Paris sera chargée d'aménager les terrains autour des gares du futur métro. Elle récupérerait alors les taxes commerciales, foncières et immobilières. Ainsi sera créée une taxe sur les plus-values immobilières réalisées autour des futures gares. Mais d'autres ressources seront nécessaires pour rembourser les emprunts, prévus à hauteur de 17,4 milliards d'euros. Dans un rapport sur le financement du programme des transports, en septembre 2009, Gilles Carrez, député (UMP) du Val-de-Marne, propose un plan de financement qui permettrait de mener de front l'amélioration du réseau existant et la réalisation du super-métro. Cela supposerait, indique-t-il, de trouver de nouvelles recettes : augmentation du montant des amendes de stationnement, de la tarification ou du "versement transport" dont s'acquittent les entreprises. A défaut de voir le jour rapidement, le projet métro du Grand Paris aura au moins ouvert un chantier financier. Les marges de manœuvre actuelles sont à elles seules insuffisantes pour sauver le système, à bout de souffle. Vision prophétique destinée à bercer d'espoir les voyageurs des lignes bondées du métro et du RER, ou véritable révolution des transports en Ile-de-France ? Le chantier de la Grande Boucle ne devrait pas être achevé avant 2025. Celui d'Arc Express est programmé pour 2017. Le réseau actuel et les usagers supporteront-ils cette interminable attente ? Quelle que soit la rocade choisie, pour améliorer la vie quotidienne en Ile-de-France, elle devra être connectée à d'autres modes de transport existants (bus, métro, tramway, RER, TGV). Le pari du Grand Paris ne sera gagné que si, d'ici là, ces infrastructures sont rénovées, développées et améliorées.

Béatrice Jérôme Article paru dans l'édition du 13.04.10

Des architectes las d'attendre des moyens pour travailler LE MONDE | 12.04.10 | 14h50 • Mis à jour le 12.04.10 | 14h50

ais où sont passés les architectes ? Fin mars 2009, les dix équipes internationales sélectionnées par l'Etat pour dessiner l'avenir du Grand Paris rendaient leur copie. Un an, une exposition et moult débats plus tard, ces deux mille pages d'études n'ont débouché sur rien. Le projet de loi fait peu de cas de leurs travaux. Et l'élan suscité par les images d'un Grand Paris idéal n'a pas suffi à les faire passer de l'ordinateur au chantier.

"Ce qui nous inquiète, c'est que le pouvoir ne donne aucun signe de vouloir agir concrètement", observe Christian de Portzamparc, l'un des dix chefs d'équipe. La fabrique de cette métropole parisienne, baptisée Atelier international du Grand Paris (AIGP), a pourtant été créée par l'Etat fin 2009. Après une série de retards, elle devrait être inaugurée le 3 mai par le président de la République. Mais la région Ile-de-France et le syndicat Paris Métropole, qui regroupe une centaine de collectivités locales autour de la Ville de Paris, négocient encore leur participation à cette usine à gaz politique, dont les architectes ne seraient que le "conseil scientifique". Pour l'heure, ce ne sont que quelques chaises, des tables et des affiches dans une aile vide du Palais de Tokyo. "La création de l'atelier est une fumisterie : il n'y a pas d'argent, aucun moyen pour travailler", dénonce Antoine Grumbach, l'un des dix architectes du Grand Paris. Son confrère Roland Castro renchérit : "On a perdu un an. On nous convoque sans cesse pour des réunions, mais ils n'ont pas réussi à trouver 1 centime et nous n'avons même pas une lettre de commande pour nous mandater..." Face à cet immobilisme, cinq des dix architectes signent, dans la revue Beaux-Arts d'avril, un appel à "un débat national sur le Grand Paris". Jean Nouvel, Winy Maas, Richard Rogers, Bernardo Secchi et Djamel Klouche soulignent que "peu de chose a bougé, tandis que persiste le danger d'enlisement, le danger que la montagne accouche d'une souris". Un démarrage difficile dont ne sont absentes ni les querelles d'ego entre "starchitectes" ni les histoires de gros sous. Chaque équipe - une cinquantaine de personnes chacune au plus fort de la consultation - s'est vu proposer 120 000 euros pour continuer. "Ce n'est à l'échelle ni du travail fourni ni de l'ambition affichée", estime M. Castro. Pour M. Grumbach, "il faudrait un million d'euros par équipe pour un an de travail, si on veut être sérieux". Au-delà de ces difficultés de lancement, beaucoup doutent de la capacité opérationnelle d'un atelier placé sous la tutelle du ministère de la culture - son directeur et seul permanent est l'ancien directeur de l'école d'architecture de La Villette, Bertrand Lemoine. "Ce n'est plus le temps des expositions et des beaux dessins", peste Antoine Grumbach. Quel sera le rôle des architectes au sein de l'AIGP ? Pour Yves Lion, porte-parole de l'équipe Descartes, "la mise en oeuvre du métro rapide proposé par le secrétaire d'Etat à la région capitale, Christian Blanc, devra faire l'objet de négociations locales ; nous pourrions jouer l'interface entre les collectivités et l'Etat dans ces discussions sur chaque territoire". Mais pour les équipes engagées dans la consultation, le projet de métro automatique n'épuise pas les enjeux du Grand Paris. Réconciliation entre Paris et la périphérie, construction de logements, développement de pôles économiques, reconquête des fleuves, domestication des autoroutes, relation avec la nature... tout reste à faire. "Nous avons à jouer un rôle essentiel de coordination : une multitude de projets parfois contradictoire se développent en Ile-de-France, portés par mille communes, l'Etat, la Région ; l'AIGP peut servir à les remettre en cohérence", observe M. de Portzamparc. Une manière de souligner que seul un accord entre acteurs politiques permettra aux architectes de commencer à travailler.

Grégoire Allix Article paru dans l'édition du 13.04.10

Les projets, leurs différences, leurs similitudes LE MONDE | 12.04.10 | 14h51 • Mis à jour le 12.04.10 | 14h52

e métro du Grand Paris Il dessine une double boucle autour de la capitale, la traverse via la ligne 14 prolongée vers Orly et Roissy. Il sera sans conducteur et à 80 % souterrain, transportera 3 millions de voyageurs par jour. Il sera connecté aux gares TGV et à la future ligne à grande vitesse La Défense-Le Havre. Début du chantier en 2013. Achèvement prévu de la première boucle en 2023. L'Arc Express de la région Destiné au cabotage entre les communes, il est relié à la plupart des terminus du métro parisien. Il devrait décharger le réseau de transport en commun de 5 % à 10 % selon les lignes. Le trafic journalier est estimé à un million de voyageurs par jour. A ce stade Arc Express n'est pas une rocade complète. Le schéma de la région prévoie un arc sud, long de 25 à 35 kilomètres selon le tracé arrêté, entre Meudon (Hauts-de-Seine) et Noisy-le-Grand ou Val-de-Fontenay (Val-de-Marne). Au nord, long de 17 à 23 km, il irait de la Défense (Hauts-de-Seine) vers Bobigny ou Pantin (Seine-Saint-Denis). Les deux axes recoupent à 80 % le métro du Grand Paris. Le financement La construction du métro du Grand Paris serait essentiellement financée par l'emprunt. Il est estimé à 21,4 milliards d'euros par Christian Blanc, le secrétaire d'Etat à la région capitale ; entre 22 et 25 milliards par le patron de la RATP, Pierre Mongin. La Société du Grand Paris (SGP) lèverait, à partir de 2014, des emprunts à hauteur de 17,4 milliards, remboursables sur quarante ans. L'Etat verserait à la SGP une dotation en capital de 4 milliards. La SGP remboursera ses emprunts grâce à la commercialisation des espaces dans les gares du futur métro et aux taxes sur les opérations immobilières. Une nouvelle taxe est créée sur les ventes autour des gares, aussi perçue par le Syndicat des transports d'Ile-de-France sur les autres lignes dans la région. Arc Express serait financé à 32 % par la région et les départements et pour les 68 % restants principalement par les taxes sur la construction de bureaux et une contribution de l'Etat. Le coût total du bouclage d'Arc Express n'est pas connu. Les retombées sociales et économiques Le métro du Grand Paris desservirait neuf territoires-clés pour la croissance et le rééquilibrage économique de la région. Il devrait créer un million d'emplois supplémentaires en quinze ans. Mais, selon l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France, "le développement de nouveaux pôles peut s'accompagner de pertes d'emplois ailleurs dans la région". Le projet de loi relatif au Grand Paris fixe pour objectif la création de 70 000 logements contre moins de 40 000 aujourd'hui. L'aménagement des terrains autour des gares sera régi par des "contrats de développement territoriaux" avec droit de préemption pour l'Etat et pour les communes. Les projets sur la sellette Le projet de ligne de train CDG Express, prévu pour relier la gare de l'Est à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, pourrait être compromis par le métro en rocade du Grand Paris qui aurait un tracé parallèle. Attribué par l'Etat au groupe Vinci, son coût est estimé à 650 millions d'euros. Le projet de ligne de tram-train dans les Yvelines baptisé "tangentielle ouest" qui relierait Saint-Cyr-l'Ecole à Poissy-Achères, en complétant un tronçon déjà existant, risquerait d'être redondant avec le futur métro qui doit passer à travers le plateau de Saclay (Essonne). Financé par le conseil régional d'Ile-de-France et le conseil général des Yvelines, il est estimé à 250 millions d'euros.

Article paru dans l'édition du 13.04.10

Plateau de Saclay : un territoire d'exception mérite un projet d'exception, par Thomas Lamarche et Olivier Réchauchère LEMONDE.FR | 12.04.10 | 14h00 • Mis à jour le 12.04.10 | 14h01

e projet d'installer sur le plateau de Saclay une Silicon Valley à la française (selon les mots du secrétaire d'Etat Christian Blanc) est doublement emblématique des travers des pouvoirs publics français en matière d'aménagement. D'une part parce que l'Etat se montre incapable de prendre en compte les spécificités d'un secteur du savoir qui peine à émerger (crise de l'Université, faible niveau des dépenses de recherche…) dans sa conception de ce cluster scientifique. D'autre part parce qu'il semble se refuser à penser avec les acteurs locaux la complémentarité des diverses dimensions de ce territoire ; son volontarisme se heurtant à une opposition citoyenne vigilante et capable de proposer une vision alternative.

UN CLUSTER VU D'EN HAUT "Cluster" semble le maître mot de l'action de l'Etat dans ce projet. Cette notion s'est imposée dans les années 1990 à partir de l'étude de la dynamique des territoires à forte activité technologique. Elle désigne des projets fortement spatialisés où l'action jointe des acteurs publics (collectivités territoriales notamment), de laboratoires de recherche et d'entreprises favorise un développement endogène reposant sur des ressources locales (ressources naturelles, compétences professionnelles, culture commune…). Cluster (littéralement "grappe") désigne ainsi l'agglomération d'activités, les exemples classiques étant la Silicon Valley ou l'aéronautique à Toulouse. La coopération d'acteurs variés, publics et privés, entreprises, collectivités et associations est reconnue comme un ingrédient original des agglomérations réussies. Malheureusement, le pôle scientifique de Saclay ne relève pas de cette conception. A l'inverse d'une démarche coopérative, le mode de fonctionnement qui s'y dessine privilégie la mise en concurrence des laboratoires de recherche, des universités et des écoles : concurrence pour l'accès aux ressources publiques, dans l'accès aux partenariats, dans un nouveau marché du travail des chercheurs. Le pôle lui-même étant en concurrence avec d'autres territoires (ceux du plan Campus). Le secteur du savoir est ainsi pensé à partir d'une vision entrepreneuriale de l'enseignement supérieur et de la recherche et non plus à partir d'une profession qui se régule, chercheurs et enseignants définissant les savoirs légitimes, recrutant et gérant les carrières. Ce qui tient lieu de coopération est la volonté quasi obsessionnelle de rapprocher les acteurs sur un site unique. Or, si la proximité a bien une dimension spatiale, elle ne permet de penser les synergies que si deux autres dimensions de la proximité existent. Une proximité organisationnelle d'abord, qui fait que les acteurs sont liés par des réseaux, projets, actions, syndicats…, bref, qu'ils fondent un ensemble cohérent. Une proximité institutionnelle ensuite, dans laquelle les acteurs partagent un même langage, des mêmes valeurs et bénéficient de dispositifs de confiance qui permettent de travailler en commun. La dynamique de Paris-Saclay est trop exclusivement géographique, elle vise à agglomérer des activités d'enseignement et de recherche à une échelle très réduite, et ne traite pas, ou marginalement par le haut, des deux autres proximités. Le projet de déménagement de la faculté d'Orsay sur le plateau est le symbole de cette vision étriquée, qui, au-delà de son inefficacité scientifique, constituerait une aberration en termes d'urbanisme (transports notamment) et de consommation irraisonnée d'espace agricole, en flagrante contradiction avec les engagements du Grenelle de l'environnement. UN DÉFICIT DÉMOCRATIQUE "La mise en culture des terres du plateau de Saclay est le fruit du génie de l'homme. Il est difficile en effet d'imaginer qu'au XVIIe siècle une zone humide, marécageuse et malsaine s'étendait en lieu et place de champs qui comptent aujourd'hui parmi les plus fertiles de France, voire d'Europe." Cette description est extraite de l'étude d'impact du projet de loi du Grand Paris, que le Sénat examine à partir du 6 avril prochain. Elle permet d'entrevoir pourquoi l'aménagement de ce territoire ne peut se concevoir qu'en prenant en compte l'ensemble de ses composantes naturelles, agricoles, patrimoniales, scientifiques, et… humaines, s'agissant d'un lieu de vie, de passage, de loisirs et de travail. Malheureusement, il semble que l'Etat ait du mal à traiter ce territoire dans sa globalité et reste sourd aux demandes réitérées d'organisation d'un véritable débat public sur son aménagement. Or l'échec du débat public sur les nanotechnologies ne doit pas conduire à penser que cette procédure serait caduque. Elle a montré qu'elle était très utile et efficace, notamment sur les projets fortement territorialisés, car elle oblige chacun des acteurs à expliciter devant les autres sa conception du territoire, jusqu'à ce qu'une vision partagée puisse émerger. Le préfet de région le rappelait dans son rapport au premier ministre en juillet 2006 au sujet du plateau de Saclay : "Nous ne sommes plus à l'époque où la puissance publique, qu'il s'agisse de l'Etat ou des collectivités locales, pouvait décider de grands projets et les mettre en œuvre, au nom de 'l'intérêt général' sans trop se préoccuper de concertation avec les personnes concernées. La convention d'Arhus prévoit que 'les citoyens doivent avoir accès à l'information, être habilités à participer au processus décisionnel' en matière d'environnement. La loi 'démocratie de proximité' a institué pour les grands projets le débat public tel que nous le connaissons aujourd'hui et qui fait partie du paysage institutionnel. Ces évolutions juridiques traduisent le souhait, sinon l'exigence, de nos concitoyens d'avoir leur mot à dire sur les projets qui touchent leur environnement immédiat." Depuis 2006, malgré ces belles déclarations d'intention, les demandes de débat public sur l'avenir du territoire sont rejetées, dans le meilleur des cas au motif que le dossier n'est pas assez avancé, et le plus généralement sans explication. Et pourtant l'Etat pourrait s'appuyer sur un riche tissu associatif qui a montré sa capacité à porter des propositions constructives et de ne pas en rester à une simple opposition. Cette posture s'est notamment traduite par l'élaboration en 2002 du rapport de l'association Terre et Cités, unanimement salué, puis en 2007 par le projet "Les pays de Saclay", porté par un collectif associant agriculteurs, consommateurs et défenseurs de l'environnement. Dans les deux cas, l'idée est de concilier les deux caractères exceptionnels de ce plateau, scientifique et agro-environnemental. Pour enclencher la dynamique d'un cluster harmonieusement intégré dans son territoire, l'Etat saura-t-il faire confiance aux acteurs pour rétablir la confiance ? Thomas Lamarche est économiste à l'université de Paris VII Olivier Réchauchère est militant associatif du territoire de Saclay