Texte émanant du front thématique ville/habitat/territoires en vue d’une position commune du Front de gauche sur l’acte 3- 1° partie

Ce projet de texte est issu d'un travail collectif au sein du front thématique. Il a été élaboré dans la seconde quinzaine de mai, avant le débat du projet de loi au Sénat. Il ne tranche pas certaines questions encore ouvertes mais transcrit les principaux éléments d'une démarche commune.

Ces dernières décennies, les territoires de vie et de travail, de loisirs et de formation ont changé de dimension. Les grandes villes sont aujourd’hui inscrites dans des dynamiques métropolitaines qui transcendent les limites administratives traditionnelles. Ces grands ensembles urbains, ces métropoles, sont bien plus que des aires urbaines étendues, bien plus que des villes-centres dont on voudrait pousser les murs pour en élargir l’aire d’influence sur une banlieue constituée. Le phénomène métropolitain conjugue des dynamiques humaines, économiques, culturelles à toutes les échelles, qui appellent les collectivités territoriales à nouer entre elles des liens de coopération et de solidarité renforcés. Il s’agit de créer les espaces démocratiques qui permettront de faire face à ces nouveaux enjeux afin de mieux conduire l’avenir de chaque métropole et de s’opposer aux inégalités et au fractionnement qui les menacent. Une réforme institutionnelle s’impose.

Pourtant, le projet qui arrive en discussion au Sénat a été conduit dans la confusion, en l’absence de débat public et sans lien avec les dynamiques effectives des territoires. Ce projet de loi gouvernemental réformant l’organisation territoriale se présente désormais en trois parties. Son premier volet porte sur l’organisation des métropoles. Le fait même de morceler l’approche institutionnelle alimente les malentendus voire les tensions entre territoires. Serait-ce à dire que l’organisation du territoire est désormais pilotée par les grandes villes ? Les inquiétudes de nos concitoyens sur le devenir de leur ville petite et moyenne, de leur village trouveront matière à se renforcer dans ce découpage de la réforme.

L’économie générale de la loi est, en son fond, contestable. Au-delà de l’affichage et du préambule du texte, il n’est question que de compétitivité et de concurrence entre les territoires sans que le sens même en soit interrogé. Les dispositions concrètes de la loi éludent les nécessaires solidarités territoriales, l'exigence d'égalité dans l'accès aux services et aménités de la grande ville. La loi proposée ne vise pas une réponse démocratique aux besoins de ces habitants. Il ne s’agit pas ici de permettre une implication élargie des citoyens et des acteurs locaux dans l’organisation des métropoles qui constituent pourtant le lieu de la vie quotidienne et celui des projets d’avenir. "Réduire les dépenses ","simplifier le mille feuilles" en sont les maitres mots : une autre façon de parler d'austérité et de recul de l'intervention publique. L’action gouvernementale se fourvoierait si elle persistait à mettre en place des structures qui répondent aux attentes du libéralisme, à favoriser la concentration des moyens dans les territoires les plus compétitifs, les plus rentables.

En l’état, ce projet n’est donc pas acceptable. Il ne peut être voté.

Pourtant il faut une réforme de l’organisation des territoires et des modes de coopération entre eux. Notre refus de ce projet de loi ne signifie nullement que l'existant est satisfaisant. Les institutions et leur fonctionnement doivent changer pour intégrer les évolutions de notre société : la montée de nouveaux territoires, les attentes des citoyens, la lutte contre les inégalités et le fractionnement entre territoires. Les dysfonctionnements qui appellent réponses sont aussi manifestes sur la question du pouvoir politique et de l’exercice de la démocratie.

A l’occasion de la discussion de ce projet de loi, le Front de gauche entend porter et mettre en débat ses analyses, ses positions et ses exigences.

• Le phénomène métropolitain est un processus irréversible et mondial qui ne saurait se confondre avec les avanies technocratiques ni avec les pôles d’excellence dont les métropoles sont supposées être les clusters. 60% des Français habitent dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants : les métropoles sont d’ores et déjà l’horizon quotidien de la plupart de nos concitoyens. Leur développement est une des formes de la modernité et leur évolution dépend des projets qui les soutendent. La définition de ces projets de développement territorial global fondé sur un choix politique de société est la clé de leur évolution. « L’air de la ville rend libre » : cet adage de la Renaissance perdrait son sens si nous n’inventons pas, enfin, des métropoles inclusives qui rompent avec l’éloignement des catégories populaires. La ségrégation spatiale doit cesser de redoubler et structurer les inégalités sociales. Le devenir de nos villes doit se construire à partir des attentes et de la vie des habitants. Cela suppose de la confrontation politique, du débat citoyen et démocratique.

• Dans cette perspective, nous voulons faire progresser la démocratie partout : c’est le sens de notre engagement pour une 6° République. Parmi les progrès démocratiques indispensables il y a ceux attendus par les habitants des grandes villes. Transport, logement, culture, qualité urbaine, commerce, emploi et développement économique, pollution, formation, développement durable… se jouent à toutes les échelles, celles du quartier, de la ville, de la métropole. Le pouvoir partagé à l’échelle locale doit aller de paire avec l’intervention au niveau métropolitain: la transition écologique, démocratique et civilisationelle s’y joue. La démocratie doit s’imposer, se vivifier.

• La proximité n’est pas un placebo, une concession ni un résidu dépassé. Elle est une donnée essentielle pour définir les projets territoriaux, y compris métropolitains, pour apprécier les enjeux, les atouts et les faiblesses des territoires. Elle est décisive pour mobiliser les acteurs publics, privés et associatifs. Elle est indispensable pour évaluer les effets des politiques publiques et de l'action privée. La métropole est essentiellement la production de projets et de dynamiques locales qui, ensemble, la constituent. Une vision par trop éloignée de ce terrain perdrait, en fait, le sens du global. Les communes sont le lieu premier de la vie démocratique et un maillon essentiel de la participation citoyenne. Les affaiblir aggraverait dangereusement la crise démocratique que mine la cohésion nationale. Les communes doivent donc être confortées dans ce rôle. Comme les départements et les régions, elles doivent garder la clause de "compétence générale " et les finances locales et publiques doivent leur donner les moyens d'exercer leurs missions. La réforme doit l’assurer.

• Si le fait urbain est aujourd’hui généralisé, le fait métropolitain ne concerne lui qu’un urbain sur deux. L’historique maillage urbain est un des atouts de la France pour se projeter dans le futur. Au même titre que sa culture, ses langues, ses mers, sa démographie, la qualité et la diversité des paysages et des villes françaises sont des bases inestimables qu’une vision étroitement concurrentielle ne doit pas saper.

• Il faut savoir penser, appréhender, défendre la diversité du fait urbain : la ville périurbaine, la petite ville, la ville émiettée, la ville de banlieue, la grande ville… Pour tous leurs habitants, nous défendons le droit à la centralité dans le cadre d’une organisation métropolitaine polycentrique: tous doivent pourvoir accéder facilement à un hôpital, un cinéma, une université, un parc. C’est une condition pour être de plein pied dans l’époque, ne pas se sentir délaissé, abandonné, nié. Cela suppose une revitalisation des services publics, partout. Mais aussi une lutte contre la marchandisation généralisée de la ville et des sols, la ségrégation et la spéculation foncière.

• Le niveau métropolitain qui permet de rassembler la diversité des situations urbaines, est le niveau pertinent pour construire des solidarités territoriales. La réforme doit notamment construire des espaces de solidarités et de péréquations entre les territoires qui composent une métropole.

• Le principe de subsidiarité doit être conforté

• Parce que la métropole n’est pas un simple périmètre sur lequel exercer une autorité publique, mais une réalité complexe aux multiples synergies, construire des projets et des politiques publiques à l’échelon métropolitain suppose d’inventer de nouveaux espaces de dialogue et de coopération capables de prendre en compte l’ensemble des dynamiques. Ces nouveaux espaces d’échelle métropolitaine doivent tout à la fois reconnaitre la souveraineté populaire, la légitimité des territoires et celle des forces vives. Il faut créer une forme nouvelle qui fasse place à touts ces légitimités, celle des citoyens et du débat politique, celle des représentants des territoires au travers de leurs élus, celle des acteurs territoriaux (syndicats, patronat, université, artistes…).

• Pour faire franchir un pas à la vie démocratique, nous soumettons ces réflexions et cette proposition au débat publique qui doit enfin commencer.