Intervention SDRIF Conseil régional IdF 18 OCTOBRE 2013 François Labroille

Il est des moments où il ne faut pas tergiverser, compliquer à l'envie mais parler clair. OUI, l'adoption du SDRIF est un acte politique de la plus haute importance. Elle est la validation finale d'un projet d'aménagement qui va désormais faire référence, qui donne une cohérence et une perspective non seulement à l'aménagement de l'ile de France mais aussi aux politiques régionales dans leurs dimensions les plus diverses. Et paradoxalement cette adoption a une signification d'autant plus grande de notre point de vue qu'elle se situe dans un contexte particulièrement incertain. Incertain dans les évolutions institutionnelles annoncées que nous jugeons plus que hasardeuses. Incertain dans les orientations des politiques publiques au plan national dont nous pensons qu'elles doivent être très fortement réorientées pour dégager vraiment une sortie de crise et traiter des grands défis qui traversent le schéma directeur.

Nous ne sommes donc ni béats, ni naïfs... mais parce que nous nous sommes au plus près des préoccupations de millions de franciliens qui s'inquiètent de leur emploi, de leur accès à un logement, du monde dans lequel vont vivre leurs enfants, nous sommes déterminés à faire du SDRIF non un point d'arrivée mais un projet de référence pour l'avenir, y compris dans les batailles politiques qui s'annoncent. Je voudrais donc m'expliquer de façon un peu approfondie sur ce positionnement de notre groupe. .

Parlons donc d'abord du contenu.

Chacun connaît les grands objectifs du SDRIF en matière de logement, d'emploi, de transport...de projet spatial avec le parti pris de la compacité et de la qualité urbaine, de préservation des espaces agricoles et naturels, de polycentralité, sans esquiver le rôle essentiel de la centralité parisienne et en valorisant de multiples dynamiques territoriales d'ores et déjà à l’œuvre. Chacun sait ici son parti pris en faveur de la lutte contre les inégalités, son ambition de ne pas se résigner à la ville fragmentée, séparée, mais bien de penser la ville qui fait société.

En relisant le fascicule sur le projet, me sont revenues en mémoire trois étapes de ce long parcours. qui symbolisent bien les raisons de faire nôtre une large partie de son contenu. Le premier est l'effervescence des travaux de lancement de la révision à partir de 2004. Mémoire de cette aventure intellectuelle où la Région au niveau des élus, de l'IAU, des services,des experts, des participants aux ateliers thématique et territoriaux ont pris collectivement la mesure des défis à 30 ans d'une soutenabilité écologique, sociale, spatiale d'un mode de développement qui ne peut rester sur les trajectoires anciennes de l'étalement urbain, du tout voiture, du zoning, de la ségrégation spatiale. Le second moment qui me reste est celui de cet affrontement si brutal avec la présidence de N. Sarkozy et le gouvernement Fillon dont l'une des premiers actes en juin 2007 a été de tenter de suspendre le SDRIF et de lui substituer une vision de la ville monde coupé de son assise populaire et toute subordonnée à la compétition mondiale et à 'illusion de quelques pôles d'excellence Le SDRIF s'est construit sur d'autres bases, une autre vision croisant l'impératif de solidarité et celui d'une modernité capable de penser une métropole mondiale non ségrégative.

Le troisième moment a été l'aboutissement sur les projets de transports et leur intégration dans le SDRIF de 2012 et plus encore dans la version 2013. Avec la part de compromis que cela a sans doute nécessité mais avec la conception d'un vaste réseau de transport en commun, un maillage qui articule le NGPE et l'amélioration du réseau existant et qui structure de façon largement nouvelle l'ensemble du territoire francilien.

Avec ces presque 10 ans travail avec de multiples partenaires dont de nombreuses collectivités. Il a été beaucoup plus qu'une exercice technique et bien un exercice politique qui honore la Région.



Pour mon groupe, ces 10 ans ne sont pas allés sans regrets ou sans difficultés parfois. Nous aurions voulu donner une dimension démocratique bien plus grande à ces débats... Certes des initiatives ont été prises et l'enquête publique du printemps dernier a contribué à les conforter mais nous sommes passés en partie à côté de ce qui aurait pu être une grande expérience de démocratie participative. Nous ne nous retrouvons pas nécessairement non plus dans toutes les formulations et sur un certain nombre de sujets nous aurions préféré des choix plus hardis pour réorienter le développement économique par exemple ou pour rééquilibrer les territoires. Mais au terme de cette décennie de travail, l'essentiel est que le SDRIF tel qu'il est porte une vision de l'Ile de France qui dessine les possibilités d'un mode de développement alternatif. ET c'est précisément pour cette raison là que nous sommes particulièrement vigilants sur les conditions de sa mise en œuvre.

Alors, j'en viens au deuxième temps de mon propos.

Mettre œuvre le SDRIF c'est évidemment mobiliser des outils, c'est inscrire les politiques publiques – régionales et pas seulement régionales – dans ses objectifs, c'est assurer un fonctionnement institutionnel qui autorise un réel partenariat entre toutes les collectivités.

Concernant les outils de mise en œuvre et les politiques régionales nous percevons positivement la plupart des dispositions envisagées. J'en prends pour exemple le rôle de l'établissement public foncier ou le rappel très explicite dans la délibération de l'objectif de la Région de la tarification unique sur la base de l'augmentation du versement transport. Nous pensons que la traduction effective des objectifs va demander beaucoup de volontarisme, de détermination et des instruments parfois beaucoup plus incitatifs. Nous avons par exemple proposé un amendement sur les ratios logements/emploi et une redéfinition des taux et zones de la redevance pour création de bureaux.

Mais la mise en oeuvre va bien au delà de la boîte à outils. Ce sont toutes les politiques publiques qui sont de près ou de loin concernées par les objectifs du SDRIF. Je ne confonds certes pas les horizons mais qu'il s'agisse de la fiscalité, des dotations de l'Etat, des politiques de formation et d'Education, des investissements dans les infrastructures, de la politique industrielle pour n'en citer que quelques uns... tous les domaines des politiques publiques au plan national participent de l'aménagement de l'ile de France. Et là, nous pensons que le SDRIF de par ses objectifs appelle beaucoup plus que la diabolisation de la dette et plaide pour une réévaluation et une réorientation de l'intervention publique.

La mise en oeuvre c'est évidemment aussi l'organisation institutionnelle. Nous ne sommes pas satisfaits de l'évolution de débat législatif en cours et du projet de MGP tel qu'il est à la sortie du débat au Sénat. LA discussion de c ematin en a déjà beaucoup traité et nous nous sommes souvent exprimés ici sur ces sujets et nous avons toujours affirmé deux choses. D'abord que le statu quo n'était pas tenable parce que la réalité urbaine, métropolitaine, le système territorial tel qu'il fonctionne ne coïncident plus avec le cadre administratif existant. Ensuite que toute évolution se devait de répondre à une impératif démocratique et avant tout à une construction coopérative, ascendante, prenant appui sur les dynamiques territoriales en cours portées par collectivités et notamment les intercommunalités qui montent en puissance.

Nous pensons les collectivités plus en complémentarité qu'en surnombre pour gérer un système aussi complexe que cette région/ville monde... Pour nous la Région a une vertu irremplaçable, celle de la mise en cohérence des projets et des grands objectifs et cela n'est pas exclusif d'une meilleure prise en compte de l'échelle métropolitaine. Mais le choix qui s'est imposé au début de l'été et que vient de valider le Sénat avec quelques ajustements est tout autre. Prenez d'ailleurs le temps de regarder de près le détail des votes sur l'article 12 sur la métropole du Grand Paris et vous verrez que certains groupes devraient réviser le contenu de leurs interventions. Ce choix est celui du modèle de la métropole intégrée, descendante, de la dissolution des intercommunalités de la zone centrale. Il prend le contre pied de toutes les esquisses discutées ici et qui,sans être unanimes, faisaient assez largement l'accord de cette assemblée.

Nous avons toujours majoritairement recherché une articulation positive entre collectivités et non pas une construction descendante. Le SDRIF lui même a été élaboré dans des « va et vient » et donc dans une interaction avec les territoires.

Et bien devant cet enjeu institutionnel, nous ne nous résignons pas à l'état actuel du projet de loi. Nous l'avons dit dans un vœu majoritaire lors de la dernière séance sur la reconnaissance du rôle des intercommunalités. Et nous comptons bien le réaffirmer plus majoritairement encore aujourd'hui. Et simultanément nous ne considérons pas que le SDRIF est mort-né. Tout au contraire. Dans ce contexte d'incertitudes, d'instabilité sans doute pour les années qui viennent, le SDRIF, là aussi, est une référence majeure. Sa validation fournit un cadre positif pour l'ensemble des politiques d'aménagement. Il donne aussi de la crédibilité à la Région comme partenaire incontournable. Il est un appui pour développer des coopérations entre toutes les échelles, y compris avec une métropole du Grand Paris à redéfinir sur des bases démocratiques..

Pour conclure... je veux simplement dire comme d'autres l'ont fait que cette séance du 18 octobre doit faire date. Nous avons et nous allons avoir de vives confrontations sur les politiques publiques qu'il faut déployer et sur les évolutions institutionnelles qu'il faut conduire. Comptez sur notre intervention dans ces débats à venir. Mais aujourd'hui, la qualité du contenu du SDRIF, l'autorité qu'il donne à la Région appelle une adoption sans retenue après ces près de 10 ans de travail... Nous serons de tous les combats pour en concrétiser les ambitions.

Je vous remercie.