Conseil régional d’Île de France du 21 novembre 2014

Intervention générale sur le budget prévisionnel 2015

Gabriel MASSOU

Monsieur le Président, Madame la vice-Présidente, Mes cher-e-s collègues, Notre débat budgétaire ne s’est jamais tenu dans une situation de crise aussi grave. Face aux inquiétudes des salariés comme celles de la jeunesse, si nous avons une responsabilité, c’est de décider de choix politiques hardis permettant par de grands gestes de restaurer l’esprit de solidarité, de redonner confiance en l’avenir quand tout se croise, de la crise climatique à la crainte de la régression sociale généralisée.

C’est à cette aune là, celle des gestes ambitieux, que nous jugerons de la pertinence de nos choix budgétaires. Disons le sans détour : nous avons le sentiment d’être confrontés à un vrai paradoxe.

D’un côté un cadrage assez volontariste des politiques régionales avec par exemple des mesures de grande portée comme celles du Pass navigo unique à 70€ et de la carte imagineR à 35€, de l’élargissement de la tarification sociale dans les cantines des lycées ; mais d’un autre côté des contraintes qu’imposent une politique gouvernementale de plus en plus contaminée par les poncifs du libéralisme et amnésique vis à vis de grandes références de la gauche.

C’est à partir de cette tension que je voudrais expliciter notre positionnement, positionnement positif parfois quand l’emportent des choix régionaux ambitieux pour l’intervention publique mais aussi positionnement extrêmement critique quand les dérives de la politique gouvernementale menacent la capacité d’interventions des collectivités territoriales comme la nôtre.

Chers collègues, à l’aube de ce débat budgétaire nous pourrions être des élus régionaux « heureux ». Avec des ressources qui apparaissent en nette progression. La CVAE et sa péréquation augmentent, rapportant près de 148M€. Certes de manière inexplicable, Cette surprise s’ajoute à la concrétisation des engagements pris par le gouvernement AYRAULT: 140 millions € de ressources nouvelles permettant le financement du Nouveau Grand Paris. 1,4 milliard pour les transports en Ile-de-France dans le cadre du futur contrat de plan Etat-région 2015-2020 ; et 52 millions de Fond européens dont la gestion vient de nous être confiée… Nouvelles recettes qui sont certes fléchées sur des secteurs précis ; mais elles sont là !!! Et cela grâce à des années de luttes pour les obtenir. Nous saluons par ailleurs un recours à l’emprunt conséquent, qui sera sensiblement augmenté par nos amendements. C’est un choix courageux et intelligent dans cette période de taux de crédits historiquement bas et cela permet de réaffirmer une politique d’investissement public d’ampleur.

D’autres éléments devraient nous rendre « heureux ».

Je pense en particulier à la poursuite de la mise en œuvre du quotient familial dans les restaurants scolaires dans le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne, mais aussi à la confirmation des mesures de tarifications sociales dans les transports que nous avons reconduites en novembre dernier. Nous avons donc su construire tout au long du mandat une région plus sociale, plus écologique et plus solidaire. Nous sommes donc fiers d’être un groupe qui n’a pas lâché, qui a voulu convaincre, mobiliser et rassembler… Si les processus de décision sont souvent trop longs à nos yeux, et les pressions pour abandonner permanentes, les mesures emblématiques que nous avons su porter jusqu’au bout sont devenues des évidences pour une majorité. Demain il en sera de même pour la Zone unique.

Vous comprendrez que je m’y arrête. Comment ne pas se féliciter de la mise en place du Pass navigo unique, mesure que nous portons sans relâche depuis 2004, auquel s’ajoutera, suite à notre proposition, le dézonage total de la Carte Imagine-R. Je n’ai aucun doute sur le fait que ces pass deviennent l’un des symboles du quotidien des franciliens, une partie prenante de la carte d’identité de notre territoire. Sa concrétisation, dès septembre 2015 est une victoire pour notre majorité et la démonstration que la lutte porte ses fruits.

Elle est aussi l’illustration parfaite d’un combat à la fois économique, social et écologique : social car elle augmente considérablement le pouvoir d’achat des usagers des transports, écologique car elle incite au recours à d’autres modes de transports que le tout routier et économique en donnant un coup de pouce aux PME, artisans, commerces de proximité.

C’est ce genre de combat que notre majorité doit maintenant porter dans les nombreux autres chantiers qui sont devant nous et qui seront au cœur des prochaines échéances électorales. Je dis « combat » car les oppositions sont virulentes, prégnantes, quotidiennes.

Contrairement à l’opposition MP-UDI et au Medef nous sommes convaincu que l’action publique n’est pas un handicap pour notre région et notre société bien au contraire. Dans un monde de plus en plus dur, nous avons plus que jamais besoin de mise en commun, de solidarité, d’investissements publics régionaux, nationaux et européens. Ne soyons pas dupes, la pression idéologique actuelle contre la dépense publique a un seul but : privatiser toujours plus les services publics et répondre aux attentes des groupes privés qui veulent se partager le gâteau de l’éducation, de la santé, des transports, de l’écologie…. Quand certains départements dans notre région dirigés par des majorités UMP-UDI se vantent d’avoir une bonne gestion en réduisant leurs dépenses de personnels c’est une arnaque totale ! Par exemple en confiant la gestion des cantines scolaires au privé la ligne des dépenses de personnels baisse en apparence …mais cela coute plus cher au contribuable et aux parents. C’est de la mauvaise gestion, c’est couteux financièrement et socialement… Ce débat traverse notre société et il est au cœur de notre conflit avec les choix du gouvernement et les élus qui le soutiennent.

Et c’est bien ces choix régionaux satisafaits!!! Face aux besoins des salariés, des jeunes, des chômeurs, de notre territoire, la pression du gouvernement pour réduire la dépense publique n’a jamais été aussi forte puisqu’il prévoit de réduire la dotation globale de fonctionnement de 450 M€ d’ici 2017 pour notre seule collectivité alors que dans le même temps, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi devrait selon Bercy atteindre 9,5 milliards sans contrepartie significative des entreprises à mettre en regard des 2 milliards annoncés pour le CPER.

De tels chiffres prennent tout leur sens quand ils sont comparés aux effetsde l’amputation de la dotation publique de l’Etat aux collectivités territoriales et à tout ce que cela implique de suppression ou de régression au niveau local pour les services publics de proximité, les investissements nouveaux pour l’école, pour la santé, le sport, la culture, et pour les emplois qui vont avec.

La mobilisation des maires du Front de gauche de notre région pointe parfaitement les effets dévastateurs de ces réduction de dotation de l’Etat dans les villes où les besoins sont les plus grands, où les maires sont bien souvent les plus grands bâtisseurs de logements sociaux de notre région, où les conséquences se manifestent quasi immédiatement dans le quotidien de leurs administrés. Ici aussi, à la région, vous savez que notre groupe s’enferme pas notre mandat d’élu dans un rôle de commentateur ou de distributeur de mauvais points…nous sommes élus pour agir, décider, modifier les situations et construire une alternative aux choix actuels du gouvernement.

Quels seront nos grands axes d’actions dans le débat budgétaire :

Sur les recettes nous porterons, comme d’habitude des propositions combatives en réaffirmant la nécessité de revenir à une TVA à 5,5 pour les transports en communs, d’harmoniser par le haut le VT, d’obtenir la compensation de l’acte II de la décentralisation…Sans oublier bien évidemment le besoin d’assises de la fiscalité locale qui au regard de la réduction drastique de la dotation prend tout son sens tant le besoin d’autonomie fiscale devient nécessaire voire indispensable.

Entre une réforme territoriale encore inachevée et guidée par l’obsession du repli de la puissance publique, et une métropole du grand Paris à la construction et au devenir encore très incertains, je crois que nous sommes nombreux au sein de la majorité à partager ces amendements : il devient maintenant urgent de les porter collectivement auprès de nos parlementaires et du gouvernement. La discussion budgétaire de la région doit être le moment politique pour faire entendre la voix de la Région pour exprimer le besoin d’évolutions profondes de la politique gouvernementale qui asphyxie les collectivités territoriales.

Quant au volet dépenses, le choix de répondre aux besoins croissants dans les secteurs des compétences obligatoires occasionne des baisses dans plusieurs autres domaines non obligatoires. Il est vrai que par le maintien d’un haut niveau d’emprunt, le budget propose des investissements en hausse pour répondre aux besoins des deux secteurs qui marquent l’action régionale : les transports en commun et les lycées.

Pour ce dernier budget et dans un contexte aussi difficile, le message renvoyé aux francilien-ne-s est fort : nous ne renoncerons ni à nos projets ni à nos orientations Cette année particulièrement, il s’agira de créer les conditions pour une mise en œuvre effective d’une rénovation énergétique à la hauteur des enjeux environnementaux et des besoins de nos lycéens.

Mais la région doit continuer d’envoyer d’autres signes forts dans une optique de haute qualité sociale, en matière d’emploi par exemple, à travers les domaines du développement économique et de la formation professionnelle, des personnels du siège et des lycées, ou du monde associatif. Si le budget consacré aux personnels est en hausse du fait des mesures volontaristes de la région en matière de déprécarisation, nous considérons que le nombre d’embauche est insuffisant au regard des besoins qui remontent des services du siège. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons de porter les créations à 56 postes pour 2015.

Par ailleurs, nous ne nous résoudrons pas à voir des budgets fondamentaux, portés par la majorité ces dernières années, baisser pour certains de manière drastique. Lors du débat d’orientation budgétaire, nous nous étions alarmés du devenir du secteur associatif qui s’effondre de toutes parts alors que c’est un élément essentiel des dynamiques de nos territoires : dynamiques en termes d’animation et de lien social et dynamiques dans leur capacité à créer des emplois même s’ils sont malheureusement de plus en plus précaires et instables. Or dans de nombreux secteurs ils sont en première lignes des restrictions budgétaires. Nous allons donc, dans les domaines du sport, de l’action sociale et de la culture ou encore du droits des femmes, porter un certain nombre d’amendements emblématiques.

Voilà donc les quelques sujets qu’avec les élu-e-s de mon groupe, nous allons porter durant ce débat.

Dans une démarche constructive, combative et résolument rassembleuse pour faire évoluer ce budget dans le bon sens. Nous devons continuer de porter un projet au service des habitants, un projet qui place les logiques de développement social et les impératifs environnementaux bien au-dessus des seules logiques financières, un projet où la région doit devenir un élément moteur et déterminant dans les transformations institutionnelles et métropolitaines en cours.