Ce texte que j'ai écrit le 22 mars et envyé le 23 mars exprime mon indignation à la suite de la non élection de Claire Villiers évincée de fait des positions éligibles dans les négociations en vue du second tour, comme l'ont été d'autres candidat-e-s issu-e-s d'Alternative Citoyenne.

A mes ami-e-s qui ont fait une belle campagne dans le 18 ème



Je n’ai pas d’autre priorité que de dire à celles et ceux qui se sont tant dévoués pour cette campagne ma tristesse de voir Claire Villiers devoir abandonner ses responsabilités au Conseil régional où elle a forcé le respect. Pour l’instant, je suis avant tout en colère.



Je ne serai pas des vôtres mercredi soir pour fêter cette fin de campagne parce que j’ai au même moment une réunion de mon réseau d’Alternative Citoyenne pour débattre collectivement des enseignements que nous devons tirer de cette période. J’aurais voulu vous retrouver pour discuter et partager la satisfaction du travail commun. Mais très honnêtement, j’ai beaucoup de mal à commenter les résultats de ce second tour. Ma satisfaction à voir une telle défaite de la droite à laquelle a contribué la consolidation du Front de Gauche et des listes « ensemble…. » est entachée par cette éviction de Claire Villiers en Ile de France comme celle de mes ami-e-s Tarek Ben Hiba, Bénédicte Bauret ou Malika Zediri. Je pense faire partie des très rares personnes à disposer de quasiment de toutes les données factuelles de cette affaire mais je ne comprends toujours pas comment on a pu en arriver là. J’en développerai en temps voulu le récit détaillé et l’analyse politique. Pour l’instant, je veux simplement alerter le front de Gauche sur le risque mortel qu’il encourt à sacrifier les personnalités qui incarnent le rapprochement entre l’engagement dans un mouvement social et la prise de responsabilités politiques.

On pourra s’installer autant que l’on veut en bordure de manifestations et se raconter que l’on soutient les luttes, on pourra y exhiber nos affiches, nos représentants mais cela ne fera pas le tour de l’implication dans les luttes sociales. Eliminer des tablettes des éligibles dans une négociation nocturne une des représentantes les plus reconnues de luttes sociales des années 1995-2005, ne serait qu’une contradiction un peu risible si elle ne portait pas un tel mépris des personnes. Claire fait partie de ces responsables syndicaux et associatifs qui ont considéré après le traumatisme de la présidentielle de 2002 que l’on ne pouvait pas en rester à cette coupure du champ politique et du champ social. Non pour manifester une quelconque allégeance aux forces politiques mais parce que elle et les militant-e-s dont je fais partie étions convaincu-e-s que toute reconstruction d’une perspective politique pour la gauche critique impliquait un tel engagement. Si le Front de Gauche ne veut pas entendre cette démarche, il se condamnera à la marginalité. Il restera sur les trottoirs à regarder passer les manifestations. Il restera une combinaison de partis constitués avec une rhétorique parfois brillante mais qui ne mordra pas au delà des premiers cercles des plus convaincus.



Je n’ai donc pas pu vraiment fêter cette victoire. Je suis le seul candidat issu d’Alternative Citoyenne élu alors que nos accords en avaient prévu 4 sur 25 ou bien 3 sur 20 mais jamais 1 sur18. Je n’ai compris que mardi vers 11 h 30 que Claire était évincée. Je me suis alors précipité au Novotel des Halles pour exhorter les derniers présents à ne pas faire cette erreur. Le PS, le PC et le PG se sont renvoyé la balle. Chacun peut accuser l’autre d’être responsable de cette vilénie et s’en exonérer. Certes je sais que notre première faiblesse collective est celle de notre score. A 8 % ou plus, nous aurions négocié une augmentation du nombre de nos élu-e-s et non leur réduction. C’est donc cette situation que nous allons devoir mieux discuter dans les prochaines semaines, sans déprécier ce que nous avons fait mais sans l’idéaliser.



Le fond politique de cette affaire réside non seulement dans la tentation des partis constitués de tout sacrifier à la promotion de leurs propres candidats mais aussi plus gravement dans une conception du Front de Gauche qui ne laisse qu’une place subalterne au mouvement social en dépit de qui est mis en avant d’un nouveau Front populaire. Nous allons maintenant prendre le temps de la réflexion collective… sans acrimonie mais sans complaisance. Il va falloir beaucoup d’efforts pour être à la hauteur des questions de la période. Il ne suffira pas de vanter le progrès de 0,20 point par rapport aux Européennes. Il va falloir tirer tous les enseignements de cette campagne parfois très prometteuse quand elle a été coopérative comme ce fut souvent le cas dans le 18 ème et ailleurs. Je maintiens à cet égard que les apports croisés du PC, du PG de la GU et des autres sensibilités dont celle d’Alternative Citoyenne ont été bien plus productifs que ce qui avait été fait par le passé, par exemple au niveau du programme que nous avons élaboré en IdF. L’impertinence du PG parfois, les références du PC, l’exigence de pensée de la GU m’ont souvent semblé bien plus complémentaires que concurrentes. C’est ce syncrétisme de nos cultures politiques qui me semble capable de produire du nouveau. Je le perçois dans nos initiatives communes, nos réunions, nos discussions même si elles sont parfois un peu âpres. Il va falloir mesurer aussi la portée des progressions significatives sur Paris et dans un certain nombre de villes qui nous redonnent de la crédibilité. Il va falloir confronter nos points de vue sur la façon d’articuler les interventions polémiques qui rendent visibles les clivages à gauche et l’intervention politique plus audacieuse dans le débat d’idées sur ce que pourrait être une alternative économique et sociale. Il va falloir discuter de la nature et de l'élargissement réel de notre rassemblement. Je suis convaincu que nous avons les moyens d’installer dans la durée cette gauche renouvelée.



Amitiés militantes François Labroille